Claudel en Pologne

Les critiques polonais, qui ont écrit à propos de Paul Claudel, ont toujours souligné sa grande affection envers la Pologne. Cependant ils regrettaient que son œuvre reste inconnue pour la majorité des Polonais. Il est certain qu’une des raisons pour lesquelles les metteurs en scène et les spectateurs ont eu beaucoup de difficultés avec l’œuvre de Claudel, c’est sa phrase, impossible à imiter en polonais. De plus, le fait que Claudel ait été par le passé, comme il l’est à l’époque actuelle, considéré comme poète catholique, a eu aussi de l’influence sur la réception de son œuvre en Pologne. Après la Seconde Guerre mondiale et l’instauration du communisme par les Soviétiques, la censure interdit de monter les pièces de Claudel pendant de nombreuses années. C’est pourquoi son œuvre était généralement présentée par les émigrés et les organisations associées à l’Église catholique en Pologne (surtout de l’Université catholique de Lublin).
Le premier drame de Paul Claudel représenté en Pologne a été L’Annonce faite à Marie (sous le titre de Zwiastowanie, traduction d’Edward Leszczynski) mise en scène par Teofil Trzcinski, en décembre 1924, à Cracovie. Ce drame a connu le plus grand nombre de traductions (Zwiastowanie a été traduite neuf fois en polonais) et a beaucoup éveillé l’intérêt des critiques. Paradoxalement, le texte dans sa version intégrale n’a été monté que deux fois sur des scènes professionnelles. La deuxième création a eu lieu à Szczecin en 2002 (mise en scène Marek Pasieczny, traduction de Maria Cichon).
Le drame de Paul Claudel qui a été représenté le plus souvent est L’Échange (traduit pour la première fois par Jaroslaw Iwaszkiewicz sous le titre de Zamiana) : entre 1925 et 1997, cette pièce a été montée huit fois. Il faut remarquer que ce drame a été donné à Varsovie en 1982, alors que la Pologne se trouvait en état de guerre (mise en scène de Marcin Slawinski). La représentation de L’Échange (deuxième version du drame) au Théâtre Wybrzeze à Sopot en 1977 (mise en scène Jerzy Kreczmar, avec Halina Winiarska dans le rôle principal) est considérée comme un événement important dans l’histoire du théâtre polonais. Au contraire d’autres metteurs en scène, Kreczmar a été capable de créer un spectacle exceptionnel, en respectant le texte et sans renoncer à l’aspect philosophico-religieux présent dans le drame. L’Échange a été publié dans le mensuel Dialog en 1980. Il faut remarquer que la pièce a été réalisée pour la télévision polonaise (mise en scène de Wojciech Nurkowski).
Le Repos du septième jour (Spoczynek dnia siódmego) a été présenté en avant- première mondiale, au Théâtre National de Pologne, à Varsovie le 15 décembre 1928 (mise en scène Waclaw Radulski, traduction de Stefan Godlewski). Les critiques ont considéré qu’il s’agissait d’une réalisation importante et d’une manifestation remarquable du théâtre religieux.
Malgré le fait que Partage de Midi ait éveillé un grand intérêt chez les critiques polonais, la pièce a été montée pour la première fois en 1968. L’avant-première a eu lieu au Théâtre Wybrzeze à Gdansk, en liaison avec les célébrations du centenaire de la naissance du poète. La traduction de la troisième version du drame faite par Julian Rogozinski, a été publiée dans Dialog en 1962, sous le titre de Punkt przeciecia. Dans le même numéro le texte de Jan Blonski, a beaucoup influencé la réception de son œuvre, ainsi que les publications de Irena Slawinska – la plus grande spécialiste de Claudel, qui l’a fait découvrir en Pologne. Encore une fois, Jerzy Kreczmar a été l’auteur de la plus importante réalisation de ce drame en Pologne au Théâtre Wspólczesny de Varsovie en 1973. Dans cette création remarquable Halina Mikolajska jouait Ysé et Jan Englert, Mesa. Enfin, Partage de Midi (sous le titre de Podzial Poludnia, dans la traduction de la première version du drame par Maria Falska) a été créé une troisième fois en 2003 à Opole dans la mise en scène de Marek Pasieczny.
Il a fallu attendre 63 ans après la publication de la traduction de Jaroslaw Iwaszkiewicz (1920) pour découvrir L’Otage en Pologne. Le spectacle mis en scène par Grzegorz Mrówczynski a été monté à Poznan, pendant l’état de guerre ce qui, ajouté à la grande création de Halina Stankówna qui jouait Sygne, en a fait un événement de première importance. La deuxième partie de la trilogie, Le Pain dur a été traduit par Jan Winczakiewicz (sous le titre de Twardy chleb) dans Dialog en 1992. Le Père humilié n’a jamais été traduit.
La première du Livre de Christophe Colomb (Ksiega Krzysztofa Kolumba) qui a eu lieu dans le port de Gdynia en 1991 dans la mise en scène de Ryszard Nyczka, Wojciech Starostecki, Artur Hoffman, et sous le patronage artistique d’Andrzej Wajda, Krystyna Zachwatowicz, Andrzej Majewski, Waldemar Smigasiewicz, pour la célébration mondiale de la découverte de l’Amérique, a été également un événement important pour le théâtre polonais contemporain. Toute tentative de le monter plus tôt avait été impossible en raison de la censure.
Le dernier drame de Paul Claudel présent sur les scènes polonaises est Jeanne au bûcher. La première réalisation théâtrale a eu lieu à l’Opéra de Poznan en 1979 sous le titre de Joanna d’Arc na stosie (traduction de Maria Serga-Nowosad, mise en scène de Ryszard Peryt, l’idée de la scénographie d’Adam Hanuszkiwicz). Le spectacle a été joué pendant plusieurs saisons notamment au cours de la tournée en Allemagne et en Italie (grande création d’ Ewa Blaszczyk dans le rôle de Jeanne et d’Andrzej Lapicki / Krzysztof Kolberger dans le rôle de Frère Dominique.)
Le Soulier de satin publié pour la première fois en 1998 (traduction d’Irena Slawinska d’après la version pour la scène de Jean-Louis Barrault datant de 1943) n’a jamais été joué en Pologne. Il en est de même pour Le Ravissement de Scapin traduit par Anna Szeliga-Ossowska. Ces deux drames ont été publiés dans la première édition des drames choisis de Paul Claudel établie par Halina Sawecka (Lublin, 1998).
En ce qui concerne la réception des œuvres théâtrales de Paul Claudel, il faut signaler la rédaction par Irena Sawiska d’un choix de textes concernant l’art du théâtre, sous le titre Mozliwosci teatru, traduction et notes de Maria Skibniewska, 1971 (263 pages).
Même si l’édition française du Journal de Paul Claudel a été tout de suite remarquée par les critiques, la première édition polonaise n’a paru qu’en 1977. La traduction et le choix sont réalisés par Julian Rogozinski (Dziennik, 1904-1955, 517 pages).
Pour ce qui est des œuvres non dramatiques, il y a eu deux éditions de J’aime la Bible (Umilowanie pisma swietego (en 1959 et en 1998 – deuxième traduction faite par Donata Eska). Même si quelques poèmes, comme La Cantate à trois voix (traduction de Waclaw Husarski en 1918), ont été traduits en polonais, l’œuvre poétique reste la partie la plus méconnue de toute l’œuvre de Paul Claudel.

Aleksandra Stanisawa Engler, étudiante de l’Académie Théâtrale d’Aleksander Zelwerowicz à Varsovie

 
Bibliographie :
1. Wojciech Kaczmarek, Claudel w Polsce . Chrzecijaskie perspektywy interpretacji dramatu i teatru, Lublin, 1989 , Redakcja Wydawictw Katolickiego Uniwersytetu Lubleskiego, s. 260 (Claudel en Pologne, les perspectives chrétiennes d’interprétation du drame et du théâtre, Lublin 1989, éditions de l’Université Catholique de Lublin, 260 pages).
2. P. Claudel ,Wybór dramatów, wybór, oprac. i wst p Halina Sawecka, Lublin 1998 wyd. Uniwersytetu Marii Curie- Skodowskiej, 355 stron (Drames choisis de Paul Claudel, rédaction et préface d’Halina Sawecka, éditions de l’Université de Maria Curie- Skodowska, Lublin 1998, 355 pages).
3. Les réseaux de la Bibliothèque Nationale de Pologne et de l’Institut Théâtral de Zbigniew Raszewski à Varsovie.