Les Mémoires improvisés sont la transcription des 41 entretiens avec Paul Claudel réalisés par Jean Amrouche et diffusés sur la Radio Télévision Française du 21 mai au 12 juillet 1951, puis du 1er octobre 1951 au 14 février 1952. Le texte de ces entretiens a été publié une première fois par Gallimard dans la NRF en 1954, puis à nouveau, dans une version corrigée par Louis Fournier, dans la collection « idées/Gallimard » en 1969, repris enfin dans la série des « Cahiers de la nrf » en 2001. Un 42ème entretien n’a pas été diffusé, et figure, en appendice, dans les deux dernières éditions.
Face au patriarche octogénaire et nimbé de son statut d’académicien et d’écrivain génial, Jean Amrouche, « intimidé » et sensible à l’honneur d’avoir à interroger « le plus grand poète vivant » et « l’un des plus grands de notre histoire », excelle à « l’inciter, l’exciter, le provoquer » pour « forcer ses souvenirs », se contraignant lui-même à se montrer « insinuant, subtil, parfois même brutal et indiscret », pour obtenir de l’auteur ses considérations sur sa vie, son œuvre et tous les sujets éternels ou actuels qui suscitaient sa réflexion. L’essentiel des entretiens porte sur la vie et l’œuvre de l’écrivain et du diplomate, évoquées et analysées dans l’ordre chronologique des événements et des créations. C’est d’abord l’enfance en Tardenois, puis l’adolescence parisienne et la découverte de Rimbaud, Dante, Eschyle et Shakespeare, les premières œuvres, de L‘Endormie à Tête d’Or et de La Ville à la première version de La Jeune fille Violaine, puis le désir de fuir Paris, le projet de carrière à l’étranger et la réussite au « Grand concours », le départ pour le premier poste diplomatique aux États-Unis, où le jeune consul s’adonne à la composition de L’Échange. Vient le temps du long exil en Chine, la composition du Repos du Septième Jour et de l’Art poétique. Ce fut surtout, en 1900, la grande crise de la vocation manquée et de la passion pour celle qui sera l’héroïne de Partage de Midi, composé dans le feu de la passion et les affres de l’abandon. Après le retour en Europe, en 1909, ce furent les années du consulat de Prague, Francfort et Hambourg, marquées par la composition et la création de L’Annonce faite à Marie et les premières expériences théâtrales de L’Échange et de L’Otage à Paris. Nommé ambassadeur en 1921, après des missions en Italie et au Danemark, Claudel part quatre ans au Japon, où il composa Le Soulier de satin, puis aux États-Unis, où il s’efforça en vain d’obtenir la représentation du Livre de Christophe Colomb, créé en son absence à Berlin en 1930. De retour en Europe, ambassadeur à Bruxelles, il se livre essentiellement à des travaux d’exégèse biblique, tout en composant plusieurs œuvres en prose. Retiré dans sa propriété de Brangues, en Isère, durant la seconde guerre, il collabore avec Jean-Louis Barrault pour la création du Soulier de satin à la Comédie-Française en 1943. La paix revenue, ce fut le temps des grandes créations théâtrales, essentiellement grâce à Jean-Louis Barrault qui monta successivement, au théâtre Maerigny, Partage de Midi, L’Échange et Le Livre de Christophe Colomb.
Le récit des principaux événements biographiques et dramatiques est entrelacé avec des souvenirs et des jugements sur les lectures, les rencontres et les amitiés, et des considérations d’ordre plus général sur l’art dramatique et les questions morales et religieuses. L’on peut regretter que la part des réflexions majoritairement consacrées aux œuvres dramatiques éclipse quelque peu des pans importants de l’œuvre poétique et des textes en prose, comme les Conversations dans le Loir-et-Cher ou l’Introduction à la peinture hollandaise, ainsi que le massif des essais sur les écrits bibliques. Dans la liberté de la conversation, les Mémoires improvisés sont néanmoins l’une des sources essentielles et l’un des témoignages les plus directs et les plus précis sur la vie et l’œuvre de Claudel, sur le jugement qu’il portait lui-même, avec le recul de l’âge et parfois de rares défaillances de mémoire, mais aussi, plus généralement, avec une admirable vivacité d’esprit, une réelle sincérité d’expression et une remarquable acuité du regard critique, sur le passé, les réalisations, les épreuves de la vie, les œuvres et les idées littéraires. Ainsi apparaissent, au fil des confidences et des souvenirs, les traits fondamentaux de l’homme et de l’écrivain, ses admirations, ses répulsions et ses convictions. Par la variété des sujets et la spontanéité des propos, les Mémoires improvisés constituent le portrait le plus vivant de Claudel par lui-même et la plus pertinente introduction à son œuvre.
L’enregistrement intégral des entretiens figure dans une série de 12 CD. Voir ci-dessous la section Ressources > documents d’archives > audio, où le détail des 41 entretiens apparaît en cliquant sur l’icône des Mémoires improvisés.
Bibliographie
Mémoires de Paul Claudel, Revue d’Histoire littéraire de la France, n° 279, 3/2005.