Bulletin de la Société Paul Claudel, n°200
• Sommaire
• Boris de SCHLOEZER : « La vie de la parole », traduit par Elena Mitropolskaia (Les Annales contemporaines, 1921)
• Bibliographie
Sommaire
Paul CLAUDEL
– Lettre à Paul Petit, 2
Antoine VITEZ
– Les mises en scène du théâtre de Claudel. Choix de correspondances, 6
Boris de SCHLOEZER
– « La vie de la parole », traduit par Elena Mitropolskaia (Les Annales contemporaines, 1921), 24
Claude ROY
– « Le père Claudel » (Europe, 1947), 41
Gülcevahir SAHIN GRANADE
– L’influence de Claudel sur les philosophes contemporains, 52
Théâtre
– Armelle de VISMES : Didier Sandre dit La Messe là-bas, 58
– Michel BRETHENOUX : Verbe Sacré : de Claudel à Meschonnic, 60
Point de thèse
– Marie-Ève BENOTEAU-ALEXANDRE : Figures des Psaumes, 64
Nécrologie
– Louis FOURNIER, par François Angelier, 68
– François de FONTETTE, par ses enfants, 70
Bibliographie, 72
Annonces, 73
La vie de la parole (Paul Claudel1)
Elena Mitropolskaia, (Université de Nijni-Novgorod), a traduit pour le Bulletin de la Société Paul Claudel ce bel article de Boris de Schloezer, qu’elle a découvert lors d’une mission de recherche dans les fonds slaves de l’ENS de Lyon2. Qu’elle en soit remerciée.
« Paul Claudel et la Russie » est un vaste sujet de recherche, dont l’une des pistes pourrait être la perception de l’œuvre poétique de Claudel par des représentants de l’émigration russe, installés en France après la Révolution de 1917. Les publications parues entre 1920-1940 apportent en effet d’émouvants témoignages de la découverte de cet éminent auteur de langue française par une partie du public russophone. Sans chercher à épuiser le sujet, il faudrait préciser quelques détails afin de restituer le contexte dans lequel apparaît l’article de Boris de Schloezer.
Pendant la période indiquée, on repère des citations claudéliennes (qui ne sont pas d’ailleurs très nombreuses), dans les textes de meilleurs critiques littéraires, écrivains, traducteurs, qui expriment une admiration inconditionnelle pour ce classique de la littérature française moderne, tout en déterminant son rôle de premier plan dans la création artistique contemporaine. Paul Claudel reste un des rares auteurs, dont les écrits ne provoquent pas de jugements négatifs ni contradictoires3 ; de fait, il est mentionné à côté de quelques autres grands écrivains pour mettre en place (nous semble-t-il) un système de repères permettant d’évaluer la littérature de la fin du XIXe au début du XXe siècle. Ainsi, G. Adamovitch, « critique numéro un de l’émigration russe »4 cite Claudel comme un des trois auteurs (avec A. Gide et P. Valéry) qui – seuls parmi les écrivains français contemporains – « ont un poids international »5. I. Tkhorjevski, traducteur des symbolistes français, l’appelle le « solennel Paul Claudel, ‘coryphée’ reconnu de la poésie française »6. Nina Berbérova dans son livre de mémoires7 place Claudel au rang « des grandes personnalités de notre siècle » à côté de M. Proust, D. H. Laurence, V. Woolf, J. Joyce, A. Huxley, A. Gide, F. Kafka).
De nombreux échos claudéliens sont enregistrés dans les sténogrammes des réunions du Studio Franco-Russe8. Les jugements confirment le rôle de ce poète de génie, pour qui Mallarmé manifestait son admiration9. C’est « un des plus grands écrivains français », dont le nom est si grand « qu’on ne pouvait pas ne pas le prononcer », une des « personnalités poétiques vraiment marquantes du mouvement » ; lors des discussions, des participants font des remarques pertinentes sur les divers aspects de l’œuvre poétique de Claudel. On débat de la nature de son inspiration (première et quatorzième réunions). Un intervenant aborde la question des influences littéraires, en particulier, celle de Dostoïevski. Il détermine quelques principes qui caractérisent l’état intérieur des personnages chez Dostoïevski et chez Claudel (deuxième réunion)10. G. Adamovitch (sixième réunion) et V. Weidlé (onzième réunion) évoquent la connaissance des textes de Claudel que pouvait avoir un lecteur russe avant et durant la Première Guerre mondiale11. À travers les comparaisons et les oppositions avec d’autres écrivains, Péguy, Mallarmé, Mauriac, Bernanos, Cocteau, surtout avec Gide et Valéry, on arrive à cerner quelques particularités de la poétique claudélienne12. L’ensemble des jugements sur Paul Claudel avancés dans le cadre du Studio permet de découvrir de nouvelles facettes de son œuvre.
L’article de Boris de Schloezer « La vie de la parole (Paul Claudel) », paru dans les Annales contemporaines en avril 1921, occupe une place exceptionnelle parmi les critiques littéraires mentionnées, car c’est une étude monographique de l’œuvre de Claudel. Boris de Schloezer (1881-1969), écrivain, critique musical et littéraire, traducteur (de Bounine, Chestov, Dostoïevski, Gogol, Lermontov, Leskov, Rosanov, Tolstoï) s’installe à Paris en 1921. Parfaitement bilingue il s’affirme comme un auteur d’expression russe et française. Peu après son installation, Boris de Schloezer commence à collaborer à La Revue musicale ; quelque temps après, il débute dans la Nouvelle Revue Française où il tient la chronique musicale, publie des critiques en langue française et traduit des auteurs russes. À partir de 1926, il dirige la rubrique : « Les Jeunes Auteurs Russes »13. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire en langue russe pour des journaux et des revues de l’émigration14.
« La vie de la parole » est l’une des premières publications de B. de Schloezer dans les Annales contemporaines. Cette étude littéraire qui fait preuve d’une parfaite connaissance des textes de Claudel, propose une analyse profondément originale de son univers poétique et de son art de la parole. L’originalité réside en ce qu’il pose sur l’œuvre du poète français « un regard russe », en réfutant les attaques du critique Pierre Lasserre qui reproche à Claudel d’avoir rompu avec la tradition du bon goût classique15. Pour Schloezer, proche des milieux du symbolisme russe, l’une des qualités fondamentales de Claudel consiste précisément en sa différence par rapport à la tradition classique de la littérature française16. Il découvre dans l’univers claudélien – qui à première vue paraît incohérent – sa propre logique, ses propres lois. Afin de mieux les examiner, Schloezer leur applique quelques principes esthétiques et linguistiques, issus du symbolisme russe (assez proches de certaines notions de la « méthapoétique » d’Andre Biély). Il n’emprunte pas, toutefois, tout le système, exposé dans l’ouvrage Le Symbolisme (1910). L’une des idées fondatrices, sur laquelle repose l’analyse littéraire de Schloezer, est celle des liens indissolubles entre la forme et le contenu, l’un ne pouvant exister sans l’autre17.
Comme A. Biély, Schloezer s’appuie sur la théorie du célèbre linguiste et philosophe russe, Alexandre Potebnia (1835-1891), disciple de W. von Humboldt. A. Potebnia développe, à partir des propositions d’Humboldt, sa propre philosophie et psychologie de la langue, en mettant l’accent sur les liens entre la pensée et le langage18. En se référant à A. Potebnia, B. de Schloezer affirme, dans son article, le point de vue selon lequel la création littéraire est un phénomène appartenant à la vie de la langue. Il développe une autre idée essentielle de Potebnia, celle de « la forme intérieure du mot ». Envisagée d’un point de vue étymologique, celle-ci réunit sa forme sonore, les associations que le mot produit, et l’image de l’objet représenté. « La forme intérieure du mot » naît au moment de la création d’un vocable, mais on la retrouve à chaque emploi du mot, surtout quand le mot est utilisé dans le langage poétique.
Tout une partie de l’article est consacrée à la sonorité des mots, au rythme des vers et de la prose claudélienne. L’attention exceptionnelle que le critique accorde à « la musique » de la parole tient certes à sa formation musicale, mais surtout à la tradition du symbolisme russe où le son et le rythme participent à la création de l’image poétique.
Schloezer réagit violemment contre la pratique des ‘cubo-futuristes’, très proches du formalisme russe, qui ont inventé « zaoum’ », une langue alogique qui associe, de façon arbitraire, des sons et des syllabes détachés. Cependant, dans certains passages de son article, le critique traite des idées qui font penser au procédé d’« ostranénie », décrit en 1917 par V. Chklovski, l’un des premiers théoriciens de l’Opojaz et grand historien et théoricien de littérature et de cinéma, dans son article « L’art comme procédé »19. En utilisant ce nouveau modèle d’analyse avec beaucoup de finesse, Schloezer réussit pleinement à démontrer la spécificité de l’œuvre poétique de Claudel.
Plus tard, en envisageant la structure de l’œuvre musicale à travers des idées des formalistes russes, il développera une théorie sémiologique de la musique parmi les plus originales20.
Le style de Boris de Schloezer est chargé d’épithètes, de comparaisons, de métaphores, dont le choix n’est pas fortuit. Ainsi, ce gigantesque labyrinthe et ces bâtisses cyclopéennes sont des images qui rendent compte de l’inspiration, de l’accent solennel et de la mesure, hérités par Claudel de la poésie épique et du théâtre de l’antiquité.
Elena MITROPOLSKAIA21
LA VIE DE LA PAROLE
(Paul Claudel).
I.
Pierre Lasserre, un critique français bien connu, vient de faire paraître un livre, Chapelles littéraires, où il reproche à Paul Claudel son esprit « anti-français », son oubli des préceptes de grands classiques, son manque de goût, ses germanismes présents dans la pensée et dans la langue.
L’œuvre de Claudel comporte, en effet, certains points susceptibles d’offusquer, voire de repousser ceux parmi les lecteurs français (constituant, bien entendu, la majorité) qui, par-dessus tout, apprécient chez un auteur la clarté, la simplicité, le naturel et la légèreté de la langue, le raffinement du goût et qui ne jurent que par les grands écrivains du XVIIe et du XVIIIe, de Corneille à Voltaire (qui servent pour eux de références idéales, d’éternels échantillons). Claudel, sans aucun doute, est dépourvu de toutes ces qualités, car il est d’accès difficile, peu naturel – au moins, du point de vue du bon sens commun – il est complexe, embrouillé et immense. Son œuvre est un colossal labyrinthe, une sorte de bâtisse cyclopéenne formée de blocs entiers où agissent et parlent des créatures bizarres qui ne nous surpassent pas seulement par leur taille. L’intensité de leurs passions, la force de leur pensée et de leur volonté, leur terrible exubérance d’imagination sont également supérieures aux nôtres.
Or, ce surprenant univers possède sa propre logique, son ordre et sa loi ; ces géants sont articulés d’une façon bien proportionnée. Ici il n’y a pas de monstres, nous sommes en présence d’êtres vivants, bien que portés à une échelle surhumaine. Ici rien n’est laissé au hasard, rien n’est désordonné ni discordant. Partout règnent une harmonie et une mesure exacte (qui, il est vrai, peuvent embarrasser d’abord par leur aspect insolite). Tout est merveilleusement bien agencé, à tel point que l’on ne saurait rien retirer ni ajouter à cet ensemble. Vu de plus près, on se rend compte que cet immense dédale ne fut point construit par un fou, comme le prétendaient certains, ni par un génie ébouriffé du type romantique, mais par un artiste épris de la forme, de la mesure et de l’ordre. Et son sens de la mesure, de l’harmonie et de l’ordre est si fort, son don artistique est si grand que le chaos même se trouve maîtrisé par la forme. Tout ce qu’il y a de plus abstrait, de trouble, d’amorphe, d’énorme, de mystérieux nous est offert en images concrètes, qui sont des parties intégrantes d’un système accompli.
Les œuvres des grands classiques français, celles de Racine, par exemple, font penser au parc de Versailles, à la savante géométrie d’un jardin de Le Nôtre, au fin tracé de ses clairières débroussaillées, à l’impeccable régularité de ses allées recouvertes de sable fin, aux vastes bassins dont les rebords de marbre viennent apprivoiser la furie naturelle des eaux. L’œuvre de Claudel est aussi un parc, solennel dans son ensemble, fastueux, offrant de belles symétries. Mais ses éléments sont différents – on y voit couler d’impétueux torrents, de puissants chênes et des fleurs variées qui poussent en toute liberté, des bêtes sauvages qui rôdent ; d’immenses rochers surplombent cet univers qui sent la terre. Mais cette impétuosité de la nature est comme entourée d’un cercle magique, coulée dans un moule parfait ; la liberté est ici scellée par le mot, au-dessus du chaos est étendu le filet doré d’une langue bien rythmée.
C’est justement dans cette ambiguïté et dans cette unité que réside le charme émouvant et indéfini de l’art claudélien, le caractère à la fois romantique et classique de son œuvre qui représente une des plus belles réussites de la poésie française, de la langue française, une fleur merveilleuse qui n’aurait pu pousser que sur le tronc d’une culture séculaire.
Cette dualité a aussi curieusement marqué la vie personnelle de Paul Claudel, qui tout en étant un grand poète, a également réussi une carrière diplomatique – consul de France, ensuite ministre-conseiller, il exerce actuellement les fonctions d’ambassadeur de France à Tokyo.
On reconnaît la même dualité dans la façon dont l’austère dogme catholique affermit chez lui le mysticisme religieux.
II.
En analysant l’œuvre d’un écrivain, on part d’ordinaire de ses idées, on passe ensuite à ses sujets, au contenu de ses œuvres pour se pencher finalement sur le style et la langue. Cette méthode, mauvaise en général, n’est pas du tout applicable à Claudel, car son œuvre est entièrement verbale – il est tributaire de la langue, en est conditionné. L’art de Claudel, c’est, somme toute, la langue de Claudel. On pourrait peut-être en dire autant de tous les grands poètes, toujours est-il que l’auteur de Tête d’or bénéficie de ce principe à part entière.
Il est bien connu que dans toute œuvre littéraire digne de ce nom la forme est inséparable du contenu, celle-là ne sert pas de récipient à celui-ci, et l’auteur n’invente pas un contenu quelconque pour le mettre en forme plus tard. Mais tout en le sachant, pour appréhender une œuvre littéraire, nous sommes aussitôt tentés de séparer un certain « quoi » d’un certain « comment ». De ce point de vue, l’étude de Claudel est extrêmement utile car elle nous guérit une fois pour toutes d’un pareil mode de réflexion.
La méthode consistant à considérer la littérature comme une manifestation de la vie de la langue (qui est préconisée, entre autres, par Potebnia), s’avère parfaitement probante dans le cas de Claudel, car son art est un produit de la langue française, le lien entre les deux étant si étroit et solide qu’il est impossible de le rompre. Comme il est impossible de greffer l’art de Claudel sur un autre tronc, impossible de traduire sa poésie, de la rendre dans une autre langue. Mais pourquoi donc ? Parce que la langue française n’est pour elle ni un revêtement, ni un ornement mais sa chair même, son essence intérieure, son cœur, et celui qui y chercherait autre chose ressemblerait à un enfant qui retire une à une les pelures d’un oignon dans l’espoir de découvrir un noyau qui n’existe pas. Ôtons à Claudel sa langue, son style original, ôtons à ses phrases leur structure originale, bien française, ôtons à ses mots leur sonorité spécifique, française, et il n’en restera quasiment rien.
Et quant aux pensées de Claudel ? Ses sentiments, ses aspirations ? Ils ont été enfantés par cette structure de la phrase, par cette sonorité, par cette langue. Supprimez celles-ci, et vous n’aurez plus rien.
Voici la première ode de Claudel, les « Muses », qui a été inspirée par un antique sarcophage en marbre figurant les neuf muses, que le poète avait vu au Louvre. Qu’est-ce qui prédétermine, quant à la forme, l’édification de ce système verbal, l’ordre des mots, leur association ? Certes, avant tout, les règles de la syntaxe française que Claudel manie d’ailleurs si librement qu’un critique en est venu à énumérer sur deux pages entières les fautes de grammaire qu’aurait commises le poète. Mais la forme, est-elle porteuse ici d’un sens abstrait ? Ce système verbal se définit-il par une règle logique qui lui est étrangère ? Non, ce système est complètement autonome par rapport à la logique abstraite, extérieure ; que ce soit en entier ou dans chacun de ses détails, il ne se définit que par la vie du mot. Cela veut dire que le poème n’est pas composé d’après un plan déterminé, sur un sujet connu, au contraire, il bourgeonne et s’épanouit sous nos yeux organiquement, une image verbale en appelant une autre, l’une s’imprégnant d’une autre selon ses propres lois, sa propre logique. Le mot ici n’est plus un signe conventionnel se référant à tel ou tel objet, mais il se voit conférer sa propre réalité, sa propre substantivité et une signification nouvelle :
O mon âme! le poëme n’est point fait de ces lettres que je plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier.
O mon âme! il ne faut concerter aucun plan! ô mon âme sauvage, il faut nous tenir libres et prêts,
Comme les immenses bandes fragiles d’hirondelles quand sans voix retentit l’appel automnal!
[…]
Que mon vers ne soit rien d’esclave! mais tel que l’aigle marin qui s’est jeté sur un grand poisson,
Et l’on ne voit rien qu’un éclatant tourbillon d’ailes et l’éclaboussement de l’écume!22
La vie d’un mot ou d’une combinaison de mots est d’abord dans les sons qui les forment et de ce point de vue ils sont pareils à la musique. La vie des mots est aussi dans les images que le mot éveille en nous, soit directement, du seul fait de sa sonorité, soit indirectement, à travers l’objet qu’il désigne. Mais ce n’est pas tout : Paul Claudel n’a rien d’un futuriste au langage hermétique, c’est-à-dire, illogique, dépourvu de sens, un langage purement émotionnel qui associe arbitrairement lettres et syllabes. La poésie claudélienne est loin de renoncer à la raison, à la logique – son « emportement lyrique » est toujours un « emportement mesuré ». Ce n’est pas un hasard que dans sa première ode il s’exclame:
Mais vous ne m’abandonnerez point, ô Muses modératrices.23
Si le mot n’est qu’un signe conventionnel, il dépend de la mentalité de l’auteur qui l’emploie et dans ce cas, les lois du mot sont les lois de la logique. Mais si le mot, qui est le nom de la chose, participe à cette même chose, s’il n’est pas moins réel que l’objet, alors il est revêtu de sa propre loi, aussi objective, aussi autonome vis-à-vis de nous et aussi contraignante pour nous, que le sont les phénomènes de la nature.
Il ne s’agit pas ici de la théorie réaliste de la langue qui est de nature mystique. Je voudrais simplement mettre en relief les sensations, les sentiments et les pensées qu’évoque la poésie de Claudel : on dirait que ce n’est pas l’auteur qui compose le poème, mais c’est la poésie elle-même qui germe en lui, nourrie par la force du mot :
Quand Il [Dieu] composait l’Univers, quand Il disposait avec beauté le Jeu, quand Il déclenchait l’énorme cérémonie,
Quelque chose de nous avec lui, voyant tout, se réjouissant dans son œuvre,
[…]
Ainsi quand tu parles, ô poëte, dans une énumération délectable
Proférant de chaque chose le nom,
Comme un père tu l’appelles mystérieusement dans son principe, et selon que jadis
Tu participas à sa création, tu coopères à son existence!24
C’est de là que viennent les incorrections grammaticales auxquelles Claudel recourt sciemment, car il voit dans les lois syntaxiques des conventions qui empêchent quelquefois le poète de dégager le véritable sens des mots.
O grammairien dans mes vers! Ne cherche point le chemin, cherche le centre! mesure, comprends l’espace compris entre ces deux solitaires!25
Dans une réplique d’un personnage de La Ville, adressée à un poète, Claudel parle vraisemblablement de lui-même :
Le sot à tes paroles ne trouve point de joie, et le sage n’y trouve point d’instruction;
Car à l’un leur sens échappe et à l’autre
Leur lien dans les profondes ténèbres comme une tige.
[…]
Tu n’expliques rien, ô poète, mais toutes choses par toi nous deviennent explicables.26
Deux particularités spécifiques marquent le style claudélien : l’intensité et la précision.
Que nous prenions ses odes (Cinq grandes Odes) ou ses poèmes mystiques (Corona benignitatis anni Dei) ou encore ses drames philosophiques (Tête d’or, la Ville, l’Otage, etc.) ou enfin ses petits poèmes lyriques (Vers d’exil), nous découvrons que sa langue est presque toujours complexe et tendue (intense). Comme si le poète faisait exprès d’alourdir sa syntaxe de telle manière que sa compréhension exige du lecteur un effort constant. À mesure que l’on progresse dans la lecture, on se défait peu à peu de cette impression, sans toutefois qu’elle disparaisse complètement. En ce sens on peut dire effectivement que Claudel est un auteur difficile, surtout pour cette catégorie de lecteurs français qui ont l’habitude d’une clarté cristalline ou de légèreté (celle d’Anatole France, par exemple) et qui connaissent à l’avance que tout le travail est déjà fait par l’écrivain et le lecteur, il n’a plus qu’à consommer ce repas savamment préparé. Quant au lecteur de Claudel, il est invité d’emblée à fuir ce monde clair et plat qui l’entoure, il est contraint de coopérer avec l’auteur qui le conduit par un chemin difficile où, pour ne pas trébucher, il aura besoin d’un surplus de vigilance, de force, de volonté. Des critiques bornés, qui à maintes reprises avaient reproché à Claudel de violer constamment les règles de la langue française, ne comprennent pas que ses barbarismes de langage viennent de son souci de créer des associations de mots inattendues, inhabituelles, de nouvelles juxtapositions de sonorités et d’images, afin de nous faire découvrir leur sens caché, afin de leur ôter la couche de poussière et de crasse dont ils s’étaient couverts à force d’être si longtemps employés :
Les mots que j’emploie,
Ce sont les mots de tous les jours, et ce ne sont point les mêmes!
Vous ne trouverez point de rimes dans mes vers ni aucun sortilège. Ce sont vos phrases mêmes. Pas aucune de vos phrases que je ne sache reprendre!
Ces fleurs sont vos fleurs et vous dites que vous ne les reconnaissez pas.
Et ces pieds sont vos pieds, mais voici que je marche sur la mer et que je foule les eaux de la mer en triomphe!27
Dans son ode « La Maison fermée », les gens s’adressent au poète :
Est-ce langage d’un homme ou de quelque bête?
Et le poëte répond:
Je n’ai pas à faire de vous, à vous de trouver votre compte avec moi,
Comme la meule fait de l’olive et comme de la plus revêche racine le chimiste sait retirer l’alcaloïde.28
Poète religieux, mystique, philosophe élevé dans l’esprit d’Aristote, comme il l’a déclaré lui-même, Claudel ne raisonne presque jamais abstraitement, il est toujours concret. L’Art poétique est peut-être la moins réussie de toutes ses œuvres, car il y essaie justement de se livrer à des abstractions, et comme résultat n’obtient que des montages conceptuels. Mais dans la même œuvre on trouve des pages absolument divines, notamment lorsqu’il décrit une cathédrale gothique où interprète le sens d’une prière, car ici il commence à s’exprimer par des images bien nettes, matérielles, puisées dans la réalité quotidienne qui, quoique banales parfois, sont bien imprégnées de chair et de sang, et de ce fait frappent tous nos sens.
C’est la prose de Claudel qui est particulièrement démonstrative à cet égard, notamment Connaissance de l’Est qui représente une série de petits tableaux de la vie chinoise et japonaise. Des textes comme « Le Porc », « Le Riz », « Le Banian » sont exceptionnels dans la littérature française, voire mondiale, du point de vue de l’intensité et de la précision de la description, ou pour mieux dire de la reconstitution de l’existence. Là on se croirait sous hypnose : vous sentez le goût du riz chaud sur vos lèvres, mais en même temps, ce riz est perçu comme un symbole grandiose de toute culture orientale. Le porc de Claudel est un porc an und für sich, un porc universel, un porc en tant que tel et, en même temps, un animal concret qui grogne et fouille dans du fumier. Comparées à ces quelques pages, les descriptions les plus réalistes de Zola et de Huysmans ne sont que des daguerréotypes coloriés.
Dans ce texte de Claudel, tout est lié à la langue française, tout se ramène au problème du style. Prenons comme exemple le titre qui ne peut même pas être rendu avec précision dans une autre langue, puisque le mot allemand « Schwein » ou les mots russes « svinia » ou « borov » ne suscitent pas les mêmes associations que le mot français « porc ». Claudel dit justement « porc » et non pas « cochon », proche du russe « svinia ». Celui-ci évoque quelque chose de gros, de sale, d’amorphe, de flasque, ce qui est nettement contraire à l’image du « porc ». Celle-ci renferme une certaine idée de robustesse, de carrure, de muscles fermes et bien galbés. Ce petit exemple n’est pas moins convaincant : il illustre bien la suprématie verbale de l’œuvre de Claudel.
Un autre exemple typique nous est fourni par les noms des personnages de ses drames. À l’époque de leurs publications ces noms étaient considérés comme stupéfiants et ridicules. Ils peuvent, en effet, paraître quelquefois bizarres, insolites, avant que nous ne fassions connaissance avec les personnages, car plus tard il s’avère presque toujours que les noms et les personnages entretiennent entre eux un lien étroit, quoique indéfinissable. Le nom ne correspond pas seulement au personnage en vertu de sa sonorité, bien plus, on a le sentiment que le nom n’est pas simplement une étiquette mais exprime le contenu essentiel du personnage, il présente le personnage d’une manière étrangement condensée. On sait que Balzac choisissait les noms de ses personnages avec un soin particulier qui parfois lui faisait passer des journées entières dans les quartiers marchands de Paris à la recherche d’un nom qui convenait. Mais les noms des personnages claudéliens créent l’illusion de ne pas avoir été inventés « post factum », mais d’avoir été trouvés bien avant que la pièce ait été conçue. C’est comme si ces noms avaient participé, tels des êtres vivants, à la création de l’œuvre. Dans la pièce L’Otage les noms « Sygne de Coûfontaine » et « Toussaint Turlure », en s’opposant, résument tout le drame. Il en est de même en ce qui concerne les noms des deux femmes de l’Échange – l’actrice « Lechy Elbernon » et la tendre et placide « Marthe ».
Quant à la mesure, parfois l’auteur recourt (il est vrai que rarement), à un alexandrin régulier ; quelquefois il se sert d’une prose rythmée comportant des assonances et des rimes ; mais le plus souvent dans ses drames et ses odes, il construit un « vers libre » bien spécifique, au rythme capricieux et fluctuant.
Le poète Cœuvre, un personnage du drame La Ville dit :
O mon fils! lorsque j’étais un poète entre les hommes,
J’inventai ce vers qui n’avait ni rime ni mètre,
Et je le définissais dans le secret de mon cœur cette fonction double et réciproque
Par laquelle l’homme absorbe la vie et restitue, dans l’acte suprême de l’expiration,
Une parole intelligible.29
Ce vers est une expression directe du rythme de la vie ; il se raccourcit et se dilate au rythme des battements du cœur, du mouvement des poumons, de la respiration ; ce vers mesure notre vie. Car le poète s’est placé « sur le pouls même de l’Être ».
III.
Étudiant de vingt ans, non-croyant, élève de Taine et de Renan, depuis longtemps en proie à l’angoisse, à la lassitude et au dégoût, Claudel entra un soir à Notre-Dame de Paris. Une heure plus tard, il en est sorti déjà catholique et l’est resté, comme il le déclare lui-même, jusqu’aujourd’hui, sans avoir connu d’hésitation ni de doute. Le mysticisme religieux qui dormait en lui s’est épanoui merveilleusement ; mais en s’imprégnant du dogme catholique, précis et rigoureux, il a acquis le même caractère de perfection formelle et de finesse structurale qui caractérise tout l’œuvre de Claudel. D’ailleurs, l’un est indissoluble de l’autre : la poésie de Claudel est mystique, car elle contemple et appréhende l’homme et l’univers dans leurs rapports avec Dieu, un dieu chrétien, catholique.
Je tiens maintenant, sous ce même angle de vue particulier que je viens d’adopter, à décrire le rôle que la mystique claudélienne réserve à la parole.
L’art de Claudel se résume à révéler la vie autonome de la parole, à reconnaître son existence libre. Le mot, le verbe pour Claudel, c’est aussi la clef qui lui ouvre toutes les voies de la connaissance et de la conscience religieuses :
Le son des paroles et leur sens, fondus en une phrase commune,
Ont de si subtils échanges et de si secrets accords que l’âme recueillie sur l’esprit
Aperçoit que l’idée pure ne se refusera pas à un attouchement délectable30.
Il est aisé de constater combien ce message contredit celui de Tuttchev qui enseignait que la pensée exprimée est un mensonge !
La métaphysique de Claudel, telle qu’elle est exposée dans l’Art poétique, n’est au fond, comme le titre nous l’indique d’ailleurs, qu’une théorie de la langue qui repose, finalement, sur un jeu de mots : connaître (cognoscere) et co-naître (naître avec…) Mais ce qui nous intéresse le plus, c’est l’expression de cette idée dans la poésie de Claudel – dans ses odes, ses chants chrétiens recueillis dans Corona benignitatis anni Dei, dans son drame mystique L’Annonce faite à Marie.
Ces textes-là nous font comprendre pourquoi Claudel était si intimement convaincu du pouvoir unificateur et résolutoire du mot. Ses émotions religieuses sont aussi nettes, déterminées, sensuellement concrètes que ses images. Pour tous, le mysticisme est presqu’un synonyme du flou, du secret, de l’indicible. Mais le Dieu, le Christ est vécu par Claudel comme une expérience née des sensations charnelles. Il voit Christ ; il Lui parle :
Je tiens Votre main dans la mienne, je sais que Vous êtes mon Rédempteur
Et je rirai à mon dernier jour!
[…]
O mon maître! donnez-moi de ce pain à manger!
Et ni les hommes, ni l’enfer, ni Dieu même, ne pourront m’arracher
Votre corps que je possède entre mes dents!31
Ce qui produit un effet tout à fait saisissant, c’est l’union entre la profondeur et la force du sens religieux d’une part et la précision et la clarté du sens d’autre part. Les mots expriment le sens de façon exhaustive et c’est exactement dans les mots que le sens puise sa force et s’épanouit.
Lorsque le poète compare, par exemple, l’amour dont le Dieu dévore l’homme à un feu, qui en survolant un arbre sec le flaire en frémissant, on sent que c’est plus qu’une métaphore poétique, plutôt une image qui amène Claudel à connaître l’amour de Dieu, et l’on découvre que cette comparaison reflète des liens réels entre le Dieu et le feu. En suivant cette voie Claudel monte quelquefois à une force biblique et à cette saisissante simplicité et naïveté dans la communication avec Dieu dont seuls les prophètes du Vieux Testament étaient capables :
Pourquoi Te dresses-Tu contre moi et penses-Tu que je suis Ton ennemi?
Est-ce que Tu trouves digne de Toi de me suivre ainsi pas à pas et de me regarder ainsi?
Épiant la chose que je vais faire, faisant attention à ce que j’ai dit,
Comme si c’était tout pour toujours?
[…]
Va, c’est vrai que je suis un homme et je sais bien que Tu es Dieu!
Et c’est vrai que mes péchés sont grands, je le sais, mais mon malheur est au-dessus d’eux!
Laisse-moi en repos un moment, éloigne-Toi de moi un peu
Le temps que j’avale ma salive! 32
[…]
Mais quand Vous auriez tort, je dirais encore que Vous avez raison, ô mon Père!
[…]
Il est une chose, Dieu suprême, une que Vous ne pouvez pas faire,
C’est d’empêcher que je Vous aime!33
Le poète ne dédaigne pas la plaisanterie, la vulgarité, les gros mots :
C’est Vous-même qui avez dit que je peux manger de Votre chair.
C’est écrit. Ce n’est pas moi tout de même qui l’ai inventé!
Pourquoi douterais-je un moment, lorsque Votre parole est si claire?
Soyez tout seul, ô mon Dieu, car pour moi ce n’est pas mon affaire,
Responsable de cette énormité!34
Et Vous direz si ce n’est pas le meilleur que nous avons réservé pour la fin,
Ce nectar sur une sale éponge, tout trempé de lie et de fiel,
Qu’un commissaire de police Vous offre pour faire du zèle!35
Dans l’une de ses meilleures hymnes voilà, par exemple, ce qu’il écrit de saint Jude :
C’est Jude par un seul cheveu qui sauve et qui tire au ciel
L’homme de lettres, l’assassin et la fille de bordel.36
IV.
L’élément central, prédominant du mysticisme claudélien, c’est le sentiment de l’ordre universel, de l’harmonie dont le critère est l’homme qui occupe le saint milieu, qui est placé au centre de la croix universelle. Aussi l’existence peut-elle être exprimée par la parole. La parole est, par excellence, l’expression du lien, de l’accord, de la relation adéquate. La vie est une cérémonie grandiose, un chœur merveilleux où chaque être humain a un rôle à jouer, une place à occuper. La joie de l’Univers, où le bonheur avoisine la souffrance, ne peut donc être connue que de ceux qui, mus par un appel intérieur, accomplissent leur mission. « Ne impedias musicam » – Claudel reproduit ces paroles bibliques pour dire : ne coupez pas la musique, ne violez pas l’ordre universel, car tous les efforts sont vains contre une vie humiliée, ignorante et tenace.
Ainsi faisant vie de tout comme un arbre qui pousse, ce n’est nulle part aucune douceur que je chercherai,
Mais l’utilité essentielle, car dans l’action est la vie et la jouissance est une pourriture37.
Ce sentiment de plénitude de l’existence, de son caractère à la fois infini et fermé est absolument exceptionnel, jamais constaté chez d’autres auteurs. Comme l’existence est finie, close, elle peut être exprimée par le verbe dont la vie est celle de l’Univers. Ce message est particulièrement transparent dans l’ode « La Maison fermée » :
Soyez béni, mon Dieu, qui ne laissez pas vos œuvres inachevées
Et qui avez fait de moi un être fini à l’image de votre perfection.
Par là je suis capable de comprendre étant capable de tenir et de mesurer.
Vous avez placé en moi le rapport et la proportion
[…] là est la certitude.
Vous avez fait de mon esprit un vase inépuisable comme celui de la veuve de Sarepta.
[…]
Poëte, j’ai trouvé le mètre. Je mesure l’univers avec son image que je constitue.38
D’où le caractère radieux de la mystique claudélienne, la musique enthousiaste et victorieuse de ses hymnes. On le ressent même dans le Chemin de la Croix dont la force réaliste est comparable avec l’affreuse « Crucifixion » de Mathias Grünewald, sauf que l’hymne s’achève en un cri victorieux :
Voici […]. Il est par terre.
La meute en tas l’a pris à la gorge comme un cerf.
Vous êtes donc venu! Vous êtes vraiment avec nous, Seigneur!
On s’est assis sur vous, on vous tient le genou sur le cœur.
Cette main que le bourreau tord, c’est la droite du Tout-Puissant.
On a lié l’Agneau par les pieds, on attache l’Omniprésent.
On marque à la craie sur la croix sa hauteur et son envergure.
Et quand il va goûter de nos clous, nous allons voir sa figure.
[…]
Il est difficile à un Dieu de se faire à notre mesure.
On tire et le corps à demi disloqué craque et crie,
Il est bandé comme un pressoir, il est affreusement équarri.
[…]
Vous êtes cloué sur la croix par les mains et par les pieds.
Je n’ai plus rien à chercher au ciel avec l’hérétique et le fou.
Ce Dieu est assez pour moi qui tient entre quatre clous.39
Cette même conscience mystique conduit Claudel à reconnaître toute la culture humaine, à confirmer le caractère religieux de l’activité de l’homme, à donner la bénédiction à toutes ses œuvres quel qu’en soit le domaine : scientifique, artistique voire économique ou politique.
Et je voudrais composer un grand poëme […]
Et tracer une grande Voie triomphale au travers de la Terre,
[…]
Laisse-moi chanter les œuvres des hommes et que chacun retrouve dans mes vers ces choses qui lui sont connues,
Comme de haut on a plaisir à reconnaître sa maison, et la gare, et la mairie, et ce bonhomme avec son chapeau de paille, mais l’espace autour de soi est immense!
Car à quoi sert l’écrivain, si ce n’est à tenir des comptes?
Que ce soit les siens ou d’un magasin de chaussures, ou de l’humanité tout entière.
[…]
Et moi je dis qu’il n’est rien dans la nature qui soit fait sans dessein et propos à l’homme adressé,
Et comme lumière pour l’œil et le son pour l’oreille, ainsi toute chose pour l’analyse de l’intelligence,
[…]
Et je puis parler, continu avec toute chose muette,
Parole qui est à sa place intelligence et volonté.
Je chanterai le grand poëme de l’homme soustrait au hasard!
[…]
Je le ferai avec un poëme qui ne sera plus l’aventure d’Ulysse parmi les Lestrygons et les Cyclopes, mais la connaissance de la Terre,
Le grand poëme de l’homme enfin par delà les causes secondes réconcilié aux forces éternelles,
La grande Voie triomphale au travers de la Terre réconciliée pour que l’homme soustrait au hasard s’y avance!40
Cet « humanisme », cette « expérience de justification » de l’Homme qui consistent à déclarer ses actes et ses paroles comme étant en harmonie avec le Dieu, commensurable avec le Dieu, font voir dans l’art littéraire de Claudel l’expression la plus forte, la plus parfaite de la pensée catholique actuelle dans son aspiration à comprendre et à approuver l’époque actuelle et à donner la consécration à la construction culturelle.
À cet égard, il serait particulièrement intéressant d’analyser les drames claudéliens à vocation sociale et philosophique, tels que Tête d’or, La Ville, L’Otage, Le Pain dur, Le Père humilié ainsi que les poèmes écrits pendant la guerre alors que Claudel était ministre-conseiller de l’ambassade de France au Brésil. Mais ceci ferait l’objet d’une recherche à part.
Boris de SCHLOEZER
33. Ibid., p. 460.
34. Corona Benignitatis anni Dei, « Hymne du Saint-Sacrement », op.cit, p. 402.
35. Corona Benignitatis anni Dei, « Chant de l’Épiphanie », op.cit., p. 382.
36. Corona Benignitatis anni Dei, « Saint Jude », op.cit., p. 416-417.
37. La Jeune Fille Violaine, Théâtre I, p. 654.
38. Claudel, « La Maison fermée », in Œuvre poétique, p. 284-285.
39. Corona Benignitatis anni Dei, « Le Chemin de la Croix », op.cit., p. 484-485.
40. Paul Claudel, « La Muse qui est la Grâce », in Œuvre poétique, p. 266-267.
Bibliographie
Paul CLAUDEL
– La Ville, l’Échange, Partage de Midi, l’Annonce faite à Marie, traduit en chinois par YU Zhongxian, groupe d’éditions de Jilin, avril 2010.
– Correspondance Claudel-Barrault, Cahiers de la NRF, Gallimard, 2010.
Henry BARRAUD
Un compositeur aux commandes de la radio, essai autobiographique, édité sous la direction de Myriam Chimènes et Karine Le Bail, préfaces de Jean-Noël Jeanneney et Bruno Racine, Fayard/Bibliothèque nationale de France, octobre 2010.
Jean-Louis BARRAULT
– Souvenirs pour demain, réédition avec une préface inédite de Denis Podalydès, Seuil, 2010.
– Jean-Louis Barrault ou l’Absolu, sous la direction de Noëlle Giret, préface de Pierre Bergé, texte de Joël Huthwohl, Gallimard, 2010.
Laurent TERZIEFF et Marie-Noëlle TRANCHANT
Seul avec tous, Presses de la Renaissance, 2010 [contient un texte inédit de Laurent Terzieff sur Claudel pour le programme d’une tournée de L’Échange en Amérique en 1969 (p.158-161)].