Le drame est, selon l’expression de Claudel dans une lettre à Francis Jammes du 19 septembre 1905, « l’histoire un peu arrangée » de l’« aventure » amoureuse qu’il vécue de 1900 à 1905.
Le premier acte est situé sur un paquebot en mer vers l’Extrême-Orient, au milieu de l’Océan Indien. Quatre personnages, à l’heure de midi, s’entretiennent sur le pont du navire. Mesa, en qui l’auteur s’est représenté, est un fonctionnaire qui regagne son poste en Chine. À bord se trouvent une jeune femme, Ysé, accompagnée de son mari, De Ciz, et de ses quatre enfants, ainsi qu’un joyeux aventurier qui cherche fortune, Amalric. Mesa, solitaire et désemparé après avoir effectué, comme Claudel en 1900, une tentative malheureuse d’entrée dans la vie monastique, est aussitôt fasciné par la belle Ysé, coquette, insouciante, éprise de vie après des années d’un mariage qui la laisse insatisfaite. Amalric, qui l’avait rencontrée et aimée autrefois, se promet de la conquérir à nouveau. De Ciz, bel homme aimable, égoïste et indécis, est en quête d’un emploi lucratif. Tous quatre, en route vers la Chine, espèrent y trouver un sort à la mesure de leur ambition ou de leur désarroi. Ils dialoguent en attendant la cloche qui annonce l’heure du repas du soir.
Le second acte se passe à Hong-Kong, après la traversée, dans un cimetière où Mesa a donné rendez-vous à Ysé et à son mari. Tandis qu’il s’éloigne un instant en les attendant, De Ciz fait part à Ysé de son intention de partir pour effectuer un trafic douteux de commerce et de traite des indigènes, et s’apprête à la quitter malgré ses objections et ses supplications. Mesa, revenu et seul face à Ysé, la prend dans ses bras sans qu’elle résiste : tous deux s’abandonnent à leur passion, résolus à briser les liens qui les séparent. Lorsque De Ciz revient auprès d’eux, Mesa s’ingénie hypocritement, pour éloigner le mari gênant, à le persuader d’accepter l’emploi dangereux qu’il lui a proposé.
Le troisième et dernier acte a lieu quelques années après, dans une maison d’un port de la Chine, où l’on reconnaît le décor du consulat de Foutchéou où Claudel a vécu la passion que rappelle le drame. Ysé vit maintenant avec Amalric, après avoir quitté Mesa, dont elle eu un enfant. C’est l’époque de la révolte des Boxers, qui assassinent les résidents étrangers, et la maison où Amalric et Ysé se sont réfugiés a été minée et va exploser pour qu’ils échappent aux assiégeants. Survient Mesa, qui détient un passe qui permettrait à Ysé de fuir. Il lui reproche son silence et la supplie de se sauver avec lui, De Ciz étant mort, dans un long monologue auquel elle ne répond pas un mot. Lorsqu’Amalric revient, une brève lutte oppose les deux hommes, et Mesa, vaincu, s’effondre, tandis qu’Amalric et Ysé s’enfuient après s’être emparés du passe. Mesa, demeuré seul dans la maison qui va sauter, s’adresse à Dieu dans un « cantique » où il prend conscience de sa faute et s’apprête à quitter ce monde. Mais Ysé, qui s’est échappée, revient soudain pour mourir avec lui, et les deux amants, dans un ultime dialogue, échangent le serment d’un consentement sacramentel qui transfigure et accomplit leur amour dans le « partage de minuit ».