Composé en 1889, à la veille du retour de Claudel à la vie chrétienne, le drame est le témoin du « combat spirituel » selon l’expression de Rimbaud, vécu par l’auteur depuis la révélation de Noël 1886. Le désespoir du jeune homme accablé par la pensée matérialiste des années 1880 et son désir de trouver une voie conforme à ses aspirations sont figurés par la destinée d’un conquérant, semblable aux héros shakespeariens, qui s’empare du pouvoir avant de mourir en reconnaissant la vanité de son effort.
Le premier acte, situé dans une période indéterminée et dans un décor inspiré des paysages où l’auteur a vécu son enfance, est formé d’un dialogue entre un jeune homme au nom platonicien, Cébès, et un personnage plus âgé, Simon Agnel, désespéré par la mort de sa compagne. Les deux héros, après avoir enterré la morte, expriment leur souffrance et leur désespoir devant la vanité de la vie. Mais Simon, sujet à une illumination qui ne laisse pas de rappeler celle que l’auteur avait connue lors de sa conversion, est résolu à s’affirmer devant le monde.
Le second acte est situé dans un royaume en perdition, dont le Roi, entouré de serviteurs assoupi et ensevelis dans la tristesse, attend dans l’angoisse la déroute de ses armées. Auprès de lui, Cébès, malade, est condamné à mourir. La fille du Roi, empruntant le discours de la Sagesse dans le chapitre VIII des Proverbes que Claudel avait découvert au soir de sa conversion, reproche aux hommes accablés de l’avoir ignorée. Cependant survient un messager qui, contre toute attente, annonce la victoire obtenue par Simon, devenu chef d’armées sous le nom de Tête d’or. Ce dernier, désolé par la mort de Cébès, qui agonise entre ses bras, se révolte contre la bassesse des courtisans, tue de Roi, s’empare du trône et chasse la princesse. C’est la victoire de la volonté humaine et le triomphe du désir.
Le dernier acte est celui de la défaite. Les armées de Tête d’Or, aventurées dans un lointain orient, se sont débandées devant l’ennemi. Lui-même est mortellement blessé lors de la bataille et se débat furieusement dans l’agonie. La Princesse exilée, réduite à errer dans la misère, est dépouillée de son pain par un soldat déserteur et cruellement clouée à un arbre. Tête d’Or, mourant, dans un suprême effort, parvient à la délivrer et demande à ses soldats de restituer le pouvoir à Princesse, couronnée Reine avant d’expirer. Les armées n’ont plus qu’à reprendre le chemin du retour, constatant la vanité de l’effort humain. Mais le sacre de la Reine, où Claudel a toujours voulu reconnaître une image de l’Église, est l’affirmation de la primauté des valeurs religieuses.
Claudel a récrit le drame en 1894, en atténuant ses audaces stylistiques, en accentuant son symbolisme religieux et en insérant, au premier acte, une invocation à l’Arbre, où Simon voit l’image et comme un modèle du développement de l’homme et de l’affirmation de soi. L’Arbre est devenu le titre collectif du recueil où a figuré, en 1901, cette nouvelle version de Tête d’Or, accompagnée des secondes versions de La Jeune Fille Violaine et de La Ville, ainsi que des drames inédits de L’Échange et du Repos du Septième Jour.