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Claudel est nommé ambassadeur au Japon le 1er janvier 1921. Il gagne son poste le 19 novembre et le quitte le 17 février 1927. Tout le monde au Japon le surnomme « poète-ambassadeur » et il est accueilli avec enthousiasme. Claudel prête l’oreille à cet accueil et lui répond avec sincérité.
En tant qu’ambassadeur, il est confronté à plusieurs problèmes que le Japon cherche à résoudre. Le plus important est celui des taxes douanières très élevées que l’Indochine impose sur les articles nippons. Claudel sert d’intermédiaire. En 1924, il rend possible la visite au Japon de la mission Merlin, gouverneur général d’Indochine, et en 1925, il accompagne la mission japonaise envoyée en Indochine. Un document diplomatique japonais de l’époque lui témoigne d’une profonde reconnaissance.
En tant que poète-ambassadeur, Claudel fonde la Maison franco-japonaise en 1924 et l’Institut franco-japonais du Kansai en 1927. Une des missions dont il se charge est la diffusion unilatérale de la langue française au Japon, mais ces deux établissements seront des foyers d’où sortiront des élites connaissant bien la langue et la civilisation des deux pays. Telle était l’idée de Claudel, mais aussi le désir des Japonais qui souhaitaient plus d’échanges culturels franco-japonais.
En tant que poète, Claudel pénètre l’âme japonaise. Il écoute la nature, visite les monuments historiques et admire le théâtre traditionnel. Une vive sympathie réciproque naît et plusieurs ouvrages suivent : un livre relié à la japonaise, Sainte Geneviève (1923), un essai de nô, La Femme et son ombre (1923), des poèmes courts à la façon des haïku, Souffle des Quatre Souffles (1926), Poëmes du Pont des Faisans (1926) et Cent Phrases pour Eventails (1927). C’est aussi au Japon qu’il achève Le Soulier de satin (1924) dont certaines scènes portent des images du Japon. Par son entremise, trois tableaux qu’il admirait sont offerts à la France: Pluie à Su Zhou de S. Takeuchi, Champs de fleurs de S. Yamamoto et Dépot divin à Nara de K. Tomita.
Claudel aime le Japon. Il adopte de lui-même le pseudonyme » Oiseau noir », Kuro tori en japonais, dont il a même fait le dessin sur une assiette. Affligé par le sort du Japon ruiné par la bombe atomique, il écrira un article émouvant, Adieu, Japon. Aujourd’hui sur le mur de l’Eglise de Kanda se trouve son portrait peint par K. Koshiba. Il est certain que Claudel a posé au plus profond les bases d’une entente franco-japonaise.
Shinobu Chujo
Traduction en japonais des ouvrages de Claudel pendant son séjour au Japon (novembre 1921-février 1927)
1921, décembre : « Ballade », « Le Sombre mai » [tr : T. Suzuki] (Œuvres poétiques, Lib. Kaniya. Réimpression : Suzuran, janvier 1923 et Yukari, décembre 1924).
— L’Annonce faite à Marie (Prologue) [tr : S. Taketomo] (Mita-Bungaku, vol.12 n°12).
1922, janvier : L’Annonce faite à Marie (Acte I) [tr : S. Taketomo] (Mita Bungaku, vol.13, n°1).
1922, février : « Charles-Louis Philippe » [tr : Y. Yamanouchi] (Nihon Shijin, vol.2, n°12. Réimpression : Nihon-Shijin, janvier et décembre 1923).
— « Magnificat », La Cantate à trois voix, « Le Cocotier » [tr : B. Ueda] (B. Ueda : Recueil de poèmes de Bin Ueda, Kyôbun-sha. Réimpression du « Magnificat » : Nihon Shijin, numéro spécial Paul Claudel, mai 1923).
— « Le Cocotier » [tr : par R. Kawaji] (Shinch, vol.36, n°2).
— « Le Cocotier » [tr : K. Hinatsu] (Chûôbungaku 5ème année, n°2).
1922, mars : « Prière pour le dimanche matin » [tr : Y. Yamanouchi] (Shiro-Kujaku, n°1).
1922, juin : « L’Art français d’aujourd’hui » [tr : T. Yoshie] (Chûô-Bijutsu, vol.8, n°12, juin).
1922, juillet : « Ville la Nuit » [tr : Y. Yamanouchi] (Mita-Bungaku, vol.13, n°7).
— « Sur la langue française » [tr : T. Miyajima] (Senriyama-Gakuh, n°2, Université Kansai).
1922, août : « Sur la langue française » [tr : S. Imamura] (Geibun 13ème année, n°8, juin, Université impériale de Kyôto).
1923, janvier : « Tradition japonaise et tradition française » (« Un regard sur l’âme japonaise ») [tr : anonyme] (Kaizo, vol.5, janvier 1923).
— « Pagode » [tr : Y. Yamanouchi] (Nihon-Shijin, janvier 1923).
— L’Otage (Acte I) [tr : M. Murata et A. Asakusa] (Fujin-Gahô, janvier 1923).
— « Rôle du poëte dans la cité » [tr : A. Masuda] (Bunsyô Club, vol.8, janvier 1923).
1923, février : L’Otage (Acte II) [tr : M. Murata et A. Asakusa] (Fujin-Gahô, n°2, février).
1923, mars – La Femme et son ombre (première version) [tr : Y. Yamanouchi] (Josei, vol.3, n°3, mars).
— La Femme et son ombre (deuxième version) [tr : Y. Yamanouchi] (Kaizo, mars).
— L’Otage (Acte III) [tr : M. Murata] (Fujin Gahô, n°2, mars).
1923, mai : « À Propos de la publication de Sainte Geneviève » [tr : Y. Yamanouchi] (Nihon Shijin, numéro spécial Paul Claudel, mai).
— Sainte Geneviève III [tr : H. Saitô] (Nihon Shijin, numéro spécial Paul Claudel, mai. Réimpression : Yukari, décembre 1924).
1923, septembre : Cinq Grandes Odes [tr : Y. Hasegawa] (Ed. Ritsumeikan Shuppan-bu).
1924, avril : « Peinture », « Décembre », « La Cloche » [tr : Y. Yamanouchi] (Sekai Bungaku vol.1, n°1).
1924, juillet : Douze poèmes de Paul Claudel (Poèmes au verso de « Sainte Geneviève ») [tr : Y. Yamanouchi] (Josei, juillet).
1924, décembre : « Octobre », « Novembre », « La pluie », « L’Heure jaune », « L’Entrée de la Terre » [tr : Y. Yamanouchi] (Yukari, décembre).
— « La Vierge à midi » [tr : D. Horiguchi] (Yukari, décembre).
De janvier 1925 à février 1927, aucune autre traduction n’a été recensée.
Bibliographie :
Édition critique des textes de Paul Claudel :
- Cent phrases pour éventails par Paul Claudel, édition critique et commentée par Michel Truffet, Annales littéraires de l’Université de Besançon 310, Les Belles Lettres, 1985.
- L’Oiseau noir dans le Soleil levant de Paul Claudel, introduction, variantes et notes par Henri Micciollo, Annales littéraires de l’Université de Besançon 246, Les Belles Lettres, 1980.
- Le Poëte et le Shamisen, Le Poëte et le Vase d’encens, Jules ou l’homme-aux-deux-cravates, édition critique et commentée par Michel Malicet, Annales littéraires de l’Université de Besançon 116, Les Belles Lettres, 1970.
Études critiques
- Michel Wasserman, Paul Claudel dans les villes en flamme. Champion, 2015
- L’Oiseau noir dans le Soleil Levant, Revue du Cercle d’études claudéliennes au Japon, XVII, 2013.
- Bulletin de la Société Paul Claudel n° 47/48, 1972 (« Rencontres internationales de Brangues »), n° 164, 2001 (« Paul Claudel écoute le Japon ») et n° 207, 2012 (« Fidélité au Japon »).
- Ayako NISHINO, Paul Claudel, le nô et la synthèse des arts, éditions Garnier, 2012.
- Shinobu CHUJO et son équipe, Chronologie de Paul Claudel au Japon, Honoré Champion, 2012.
- L’Oiseau noir dans le Soleil Levant, Revue du Cercle d’études claudéliennes au Japon, XVI, 2011.
- Bernard HUE, Littératures et Arts de l’Orient dans l’œuvre de Claudel, C. Klincksieck, 1978.
- Michel Wasserman, Claudel danse Japon, Classiques Garnier, 2012.
- Michel Wasserman, D’or et de neige, Paul Claudel au Japon, Gallimard, 2008.
- Claudel et le Japon, textes réunis et présentés par Shinobu CHUJO et Takaharu HASEKIURA, Shichigatsu-dô, 2006.
EXTRAIT DE : UN REGARD SUR L'ÂME JAPONAISE Ainsi, partout où le Japonais tourne ses regards, il se voit entouré de voiles qui ne s'entrouvrent que pour se refermer, de sites silencieux et solennels où mènent de longs détours pareils à ceux d'une initiation, d'ombrages funèbres, d'objets singuliers, comme un vieux tronc d'arbre, une pierre usée par l'eau, pareils à des documents indéchiffrables et sacrés, de perspectives qui ne se découvrent à lui qu'à travers le portique des rochers, la colonnade des arbres. Toute la nature est un temple déjà prêt et disposé pour le culte. Il n'y a pas au Japon de ces grands fleuves, de ces vastes plaines aux horizons gradués qui entraînent le rêveur toujours plus loin et s'offrent avec soumission à la navigation dominatrice de l'esprit. À chaque instant le pas et l'imagination du promeneur se trouvent arrêtés par un écran précis et par un site concerté qui requiert l'hommage de son attention, du fait de l'intention incluse. L'artiste ou l'ermite n'aura qu'à le souligner par l'apport d'un torii , d'une lanterne, d'un temple somptueux, ou d'une simple pierre levée. Mais ce n'est jamais l'édifice, aussi doré qu'il puisse être, qui me paraît, comme en Europe, l'essentiel. Ce n'est jamais qu'une cassette, un encensoir déposé dans un coin pour faire sentir l'immense solennité de la nature et, si je peux dire, « la mettre en page ». Tels cette poignée de caractères ou ces quelques traits de pinceau, accompagnés du sceau vermillon, que le poète ou l'artiste jettent sur la feuille de papier blanc. (…)
Contacts et circonstances, Œuvres en prose, Gallimard, La Pléiade, p. 1125.