Lorsque Jean-Louis Barrault sollicita de Claudel, en 1939, l’autorisation jouer Tête d’Or, l’auteur, épouvanté par la « sincérité crue », la violence et la spontanéité des sentiments confidentiels exprimés dans ce « livre de jeunesse », refusa fermement toute idée de représentation. Il persista dans son refus même après les succès du Soulier de satin et de Partage de Midi, et abandonna, en 1949, une nouvelle version du drame qu’il avait tenté de transposer dans le décor d’un stalag au cours de la dernière guerre, afin de suggérer le climat d’oppression dont il avait souffert dans sa jeunesse au cours des « tristes années quatre-vingt ».
C’est donc seulement après la mort de Claudel que Barrault, conformément à la volonté de l’auteur, monta une mise en scène de Tête d’Or, qu’il représenta solennellement, en présence du général De Gaulle, d’André Malraux, alors ministre de la culture, et des représentants des milieux artistiques et mondains de Paris, pour l’inauguration de l’Odéon-Théâtre de France en 1959. Laurent Terzieff jouait le rôle de Cébès, celui de Tête d’Or était tenu par Alain Cuny. Catherine Sellers incarnait la Princesse, et Jean-Louis Barrault, qui avait assuré la mise en scène, interprétait le Roi David. La pièce reçut un accueil mitigé, et la critique fut partagée entre éloges et éreintements. Si le jeu des acteurs, et notamment de Laurent Terzieff, fut généralement apprécié, le drame étonna et parfois rebuta par le débordement de son lyrisme et l’obscurité de son symbolisme.
Reprise à l’Odéon en 1968 à l’occasion du centenaire de l’auteur, la pièce fut également représentée dans une mise en scène de Denis Llorca en 1970 et 1971, puis aux Boufffes du Nord, en 1979, par la compagnie «Théâtre et lumière ». Une mise en scène de Daniel Mesguich, au théâtre de Saint-Denis, à l’automne 1980, bruyante et provocante, fit scandale au point d’être interdite par la famille de l’auteur. La pièce réapparut sur le plateau de l’Odéon en 1988, dans une mise en scène d’Aurélien Recoin, qui interprétait le personnage de Tête d’Or. Elle fut également montée, en 1994, par Jean-Louis Thamin, directeur du Centre Dramatique national de Bordeaux-Aquitaine, et reprise aux Bouffes du Nord, en 2001, dans une mise en scène de Claude Buchwald, puis en 2005, au théâtre du Vieux-Colombier, dans une mise en scène d’Anne Delbée. Tête d’Or figura en 2003 au répertoire du Théâtre du Nord-Ouest de Paris, dans le cadre des représentations de l’œuvre de Claudel réalisées par Jean-Luc Jeener, et fut même interprétée par les détenus du centre pénitentiaire de Ploemeur en 2004, dans une mise en scène de Gilles Blanchard, représentation qui fut l’objet d’un film projeté en 2007.