L’Homme et son désir (1917-18, 19211)
Dessin d’Audrey Parr
pour « L’homme et son désir«
de Paul Claudel – DR
Ministre de France à Rio, où il a Darius Milhaud pour secrétaire, Claudel est subjugué par une représentation de L’après-midi d’un faune donnée en 1917 par les Ballets Russes dans le cadre d’une tournée sud-américaine. Il s’ouvre à Nijinski d’un projet de ballet situé dans la forêt brésilienne, et met à profit les talents conjugués de Milhaud et de l’épouse d’un diplomate britannique dotée de dons remarquables pour le dessin, Audrey Parr, pour concevoir au cours des années 1917 et 1918 le ballet de L’Homme et son désir, sans savoir que Nijinski, qui a succombé à la schizophrénie, est désormais dans l’incapacité de danser. Le ballet sera finalement représenté par la troupe des Ballets Suédois, et créé en juin 1921 au Théâtre des Champs-Élysées. Il évoque la torture délicieuse que le fantôme dédoublé de la Femme morte fait subir à un Homme en proie dans son sommeil aux terreurs de la jungle. La nudité apparente de l’interprète principal, Jean Börlin, fut la cause d’un énorme scandale lors de la répétition générale, complaisamment répercuté par la presse. Claudel fut de longues années à se remettre de l' »énorme tas d’injures et de sottises » qui alimenta le sentiment d’incompréhension dont il s’estimait victime en tant qu’artiste. L’Homme et son désir n’en fit pas moins l’objet de 56 représentations par les Ballets Suédois entre 1921 et 1924.
Michel WASSERMAN
Texte : Th II, 249 ; O.C. XIII, « Théâtre VIII », 215.
Bibliographie :
– « L’Homme et son désir », Th II, 1143 ; « Nijinsky », Pr 384 et « Sur la danse », ibid., 162; C.P.C III et XIII
– Monique Dubar : « Claudel, trouveur de la danse »», in Cahier de L’Herne Paul Claudel sous la direction de Pierre Brunel, Éditions de l’Herne, 1997, p. 308-325
– Hélène Laplace-Claverie : « L’Homme et son désir, récit d’un rêve ou récit rêvé ? », in Paul Claudel 19. Théâtre et récit, textes réunis et présentés par Pascale-Alexandre Bergues, Lettres modernes Minard, 2005, p.113-125
– Jacinthe Harbec : « Temporalité, spatialité et modernité dans le ballet L’Homme et son désir de Claudel et Milhaud », in Musique et modernité en France, dir. S. Caron, F. de Médicis et M. Duchesneau, Les Presses de l’Université de Montréal, 2006, p. 193-219
– Mary Fleisher : «Paul Claudel, Jean Börlin and the Ballets Suédois», in Embodied texts : Symbolist Playwright-dancer Collaborations, Editions Rodopi B.V., 2007, p.253-301
– Michel Wasserman : Claudel Danse Japon, Classiques Garnier, 2012
La Femme et son ombre (1922, 1923)
L’homme et son désir
Nommé ambassadeur au Japon, Claudel arrive en poste en novembre 1921 auréolé d’une réputation d’écrivain-diplomate. Il est approché à l’été 1922 par les milieux du kabuki, qui ont eu vent de la création mouvementée de L’Homme et son désir, et lui demandent l’autorisation de reprendre le ballet dans le cadre d’un spectacle de danse, moyennant une adaptation musicale confiée à un compositeur occidentalisant. Claudel n’imaginant pas que sa pièce puisse être considérée séparément de la musique de Milhaud, propose en retour à ses interlocuteurs, dont il recueille l’agrément, de travailler sur la base d’un scénario à la japonaise qui ferait l’objet d’un habillage musical traditionnel. Il fournit tout d’abord l’argument d’un « mimodrame », puis, ses interlocuteurs lui ayant demandé des poèmes additionnels pour asseoir comme il se doit la danse de kabuki sur un accompagnement chanté, il produit une seconde version qui tire vers le drame lyrique. L’intrigue rappelle de loin la situation de triangle amoureux de L’Homme et son désir, mais replacée cette fois dans le cadre du « drame de revenants », l’une des modalités du répertoire du kabuki : c’est ainsi que le héros masculin, croyant pourfendre le spectre jaloux de son ancienne amante, tue en réalité sa nouvelle maîtresse. Créée en mars 1923 au Théâtre Impérial de Tokyo, La Femme et son ombre bénéficia de l’interprétation d’acteurs aujourd’hui mythiques du kabuki de l’époque, de la scénographie et des costumes du grand peintre Kaburagi Kiyokata et de la musique du maître de nagauta (récitatif accompagné) Kineya Sakichi IV. Toutefois, le caractère relativement convenu de la situation dramatique, qui exploite un topos narratif éprouvé, ainsi qu’une image scénique à laquelle on reprocha une vision touristique de la tradition japonaise, furent jugés sévèrement par la presse locale. La pièce n’en constitue pas moins un jalon important sur le chemin qui conduira Claudel vers Christophe Colomb ainsi que les « oratorios dramatiques » des années trente. Représentée entre le 26 et le 31 mars 1923 au Théâtre Impérial de Tokyo, La Femme et son ombre fut donnée le 15 juin 1948 par les Ballets Roland Petit au Théâtre Marigny (musique d’Alexandre Tcherepnine, chorégraphie de Janine Charrat).
Michel WASSERMAN
Texte : Th II, 533 ; O.C. III, « Extrême-Orient I », 333.
Bibliographie :
– « Le drame et la musique », Pr 143 ; « Kabouki », ibid., 1176 ; « Propos sur un spectacle de ballets », O.C. IV, « Extrême-Orient II », 391
– Michel Wasserman : Claudel Danse Japon, Classiques Garnier, 2012
Sous le rempart d’Athènes (1927, 1927)
Cette œuvre, « étape intermédiaire entre les scénarios de ballets ou de mimodrames et les oratorios dramatisés » est écrite à la demande de Philippe Berthelot à l’occasion du centenaire de son père, le chimiste bien connu Marcelin Berthelot. Le manuscrit est daté de Washington, avril 1927.
Pour parler du grand savant, Claudel a choisi de mettre en scène des pèlerins venant visiter sous les remparts d’Athènes la sépulture consacrée à « un philosophe fictif de l’antiquité hellénique appelé Hermas » (Th II, 1484). La musique composée par Germaine Taillefer a pour but « de créer derrière le drame une espèce de tapisserie sonore, dont les couleurs amusent et soulagent le spectateur et baignent de leurs reflets agréables l’aridité d’une discussion philosophique » (Th II, 1485).
La représentation a eu lieu au gala de l’Élysée donné pour la commémoration de Marcelin Berthelot, dans la mise en scène de Louis Jouvet.
Andrée HIRSCHI
Texte : Th II, 1114 ; O.C. XIII, « Théâtre VIII », p. 247.
La Sagesse ou la Parabole du festin (1934-35, 1945)
Cet oratorio reprend en œuvre dramatique et musicale La Parabole du festin (inspirée de l’Évangile de Luc, XIV, 16-24), composée en 1925. Le livret est écrit à la demande d’Ida Rubinstein, elle-même encouragée par Darius Milhaud ; il est achevé en 1935.
La Sagesse, comme dans la parabole évangélique, « fait sa tournée d’invitations » ; les Justes, les Clairvoyants, les Intelligents la repoussant, elle rassemble toutes sortes d’infirmes et édifie pour eux une ville, qui repose sur sept colonnes, symbole de l’humanité réconciliée avec Dieu.
Création à Rome le 15 février 1950.
Andrée HIRSCHI
Texte : Th II, 1190 ; O.C. XIII, « Théâtre VIII », p. 221.
Bibliographie : C.P.C. III.
La Danse des morts (1938-1940)
Inspiré par la reproduction d’une danse macabre au musée des Cordeliers à Bâle en janvier 1938, Claudel écrit le 23 mai 1938 le livret d’un oratorio sur le thème populaire des mystères médiévaux ; Arthur Honegger est sollicité pour la partition qui lui est dédiée. « Ce qui m’a frappé surtout dans cette guirlande chorégraphique, c’est beaucoup moins le côté sinistre que la bonne humeur », confie Claudel.
Cet oratorio se présente sous la forme d’un dialogue entre le Je claudélien et Dieu ; les répliques qui s’entrecroisent font référence à des textes bibliques. Le titre du chapitre VI « Espérance dans la Croix » souligne que la mort et la vraie Vie ne sont pas antithétiques, la mort étant l’unique voie vers la résurrection.
Andrée HIRSCHI
Texte : Th II, 1259 ; O.C. XXIX, p. 265.
Voir « Une visite à Bâle », Pr 939.
Textes cités et abréviations
– Théâtre, tome II, Pléiade, 1965 : Th II.
– Œuvres complètes, Gallimard, tome III, 1952, tome XIII, 1958, tome XIV, 1958, tome XIX, 1962, tome XXIX, 1986 : O.C. III, O.C. XIII, O.C. XIV, O.C. XIX, O.C. XXIX.
– Cahiers Paul Claudel 3, « Correspondance Paul Claudel-Darius Milhaud 1912-1953 », Gallimard, 1961. Préface de Henri Hoppenot. Introduction et notes de Jacques Petit : C.P.C. III.
– Cahiers de la Compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault, n°1, 1953, « Claudel et Christophe Colomb ».
– Œuvres en prose, Pléiade, 1965. Préface de Gaëtan Picon. Textes établis et annotés par Jacques Petit : Pr.
– Journal, tome I, Pléiade, 1968 : J I.