La création (1912)
Après avoir été d’abord intitulée La Jeune Fille Violaine (Deux versions successives : 1892 et 1899), la pièce, remaniée en 1911, est créée sous son nouveau titre définitif à la fin de décembre 1912 au Théâtre de L’Œuvre par Lugné-Poe, représentant de l’esthétique théâtrale symboliste. L’événement reste discret (trois représentations seulement, devant un public choisi), mais il suscite une fervente admiration. L’auteur a lui-même donné des conseils d’interprétation, notamment sur la diction, qu’il veut musicale. Le décor, assez réduit, oscille entre réalisme et stylisation. Le succès global va en tout cas lancer la création scénique des autres pièces de Claudel, dont L’Annonce sert de locomotive.
Hellerau (1913)
Dans la foulée de la création parisienne, L’Annonce qui vient d’être traduite en allemand, est jouée en Allemagne dans un théâtre d’avant-garde que découvre Claudel, alors consul à Francfort, puis Hambourg : l’Institut d’Art de Hellerau, près de Dresde. L’auteur, fasciné par cette salle modulable, supervise la mise en scène en utilisant les ressources qui s’offrent à lui, en particulier un décor à étages qui unifie toutes les scènes, et un éclairage qui sculpte les acteurs. Les trois représentations d’octobre 1913, auxquelles assiste l’élite intellectuelle germanique, constituent un événement artistique. La mise en scène de L’Annonce ne sera jamais aussi audacieuse.
Baty et Gémier (1921)
En 1921, Gaston Baty, assisté de Firmin Gémier pour les décors, veut mettre en valeur les qualités proprement dramatiques et l’exigence de vérité humaine du drame, aspects un peu négligés à la création au profit d’un certain mysticisme poétique. Des acteurs chevronnés sont appelés, comme Eve Francis, égérie claudélienne, en Violaine, et Charles Dullin en Jacques Hury. La pièce a du succès mais la Comédie-Montaigne, où elle est jouée, doit brusquement fermer ses portes.
Jouvet (1942-1946)
Après avoir tenté, vainement, de monter la pièce à la Comédie-Française en 1937, Louis Jouvet la met, entre autres, au programme de sa longue tournée sud-américaine, de 1941 à 1945. La pièce est créée à Rio de Janeiro en 1942, avec Jouvet lui-même dans le rôle du Père et Madeleine Ozeray, son actrice fétiche, dans celui de Violaine. La mise en scène séduit surtout par sa qualité artistique, spécialement picturale, au service de sa dimension sacrée. Après le retour de Jouvet en France, cette mise en scène est présentée au Théâtre de l’Athénée en juin 1946 : Claudel y assiste mais n’apprécie pas.
Théâtre Hébertot (1948)
Las des ajournements de la Comédie-Française à la fin des années 1930 et au début des années 1940, Claudel cède à l’invitation pressante de Jacques Hébertot. Pour l’occasion, il écrit la « version définitive pour la scène » de sa pièce, plus resserrée et dramatique. De plus, il s’engage dans tous les aspects de la mise en scène, accentuant notamment une gestuelle symbolique bien illustrée par Alain Cuny (Pierre de Craon) et donnant un relief étonnant à la scène du miracle. Les représentations, plus nombreuses qu’auparavant, satisfont les plus farouches adversaires du théâtre claudélien et Claudel lui-même.
La Comédie-Française (1955)
Après une série de projets avortés (Jouvet en 1937, Copeau en 1938, Dullin en 1939, Barrault de 1941 à 1946), la Comédie-Française monte enfin L’Annonce en février 1955, quelques jours avant la mort de son auteur. Mais c’est une apothéose manquée. Claudel, plus encore qu’en 1948, a voulu contrôler tous les détails du spectacle et s’est laissé griser par un luxe incongru de décors et costumes réalistes, auxquels s’ajoute une interprétation emphatique : le sens profond de L’Annonce est trahi, et l’événement mondain masque un échec artistique. Par contraste, la mise en scène populaire de Jean Dasté, un an auparavant, apparaît exemplaire.
Après la mort de Claudel
Parmi des mises en scène de plus en plus nombreuses, on n’en retiendra que deux, dans la mesure où elles illustrent deux tendances différentes.
Dans les mises en scène traditionnelles de qualité, figure d’abord le travail de Pierre Franck, qui avait déjà présenté la pièce avec une grande ferveur juvénile en 1941 (troupe du Rideau des Jeunes), puis qui la remonte en 1961 avec Danièle Delorme en Violaine, assurant ainsi un vrai succès populaire pendant plusieurs années.
Dans des relectures plus modernes qui renouvellent la vision de L’Annonce, signalons la mise en scène de Philippe Adrien (1990), qui met en valeur les audaces de la dramaturgie claudélienne, par contraste avec les exigences d’une morale catholique.
Un an plus tard (1991), c’est au cinéma que L’Annonce se trouve réinventée dans le magnifique film d’Alain Cuny, qui en constitue une épure originale.